Les cheveux bleus se manifestent! Kôyô/Kyôka/Yukiru

« A vos ordres, Boss. »

Kyôka sortit du bureau du parrain. Arpentant le long couloir en silence, le visage impassible et dur, elle serra inconsciemment les poings, aux prises avec des sentiments contradictoires. Elle atteignit l'ascenseur, qui entama sa descente, brève mais qui parut interminable, chaque seconde refusant de s'écouler et de se dissoudre dans le cours du temps, comme toutes celles qui l'avaient précédée.
La jeune fille, elle, ne disait toujours rien.
Sa loyauté et surtout son obéissance n'était plus à prouver, et pourtant elle n'osait imaginer ce qu'il se passerait si, elle menait à bien cette mission-là.
Mais elle n'avait pas le luxe ni le temps d'y réfléchir davantage, car Mori avait demandé à ce que ses ordres soient exécutés au plus vite. Une fois descendue au QG, elle se dirigea vers ses appartements et ordonna à ses hommes de se préparer le plus vite possible. Il n'y avait pas un instant à perdre, ou bien son hésitation et ses tourments allaient la rattraper.

De son côté, elle n'avait pas besoin de grand-chose. Elle se contenta d'arranger son kimono et d'attacher ses longs cheveux noirs en une haute queue de cheval, ne laissant retomber que deux mèches, de part et d'autre de son visage. Sa coiffure était également parée d'une fleur blanche, semblable à celles des cerisiers.
Puis, elle dissimula sur elle deux dagues, et une arme à feu. D'après les informations qu'elle avait reçues, capturer la cible serait un jeu d'enfant, mais il valait mieux être préparée à toute éventualité. Pour finir, elle ne put s'empêcher de vérifier que son téléphone était autour de son cou, ce qui était bien évidemment le cas ; il ne la quittait jamais. Après l'avoir serré dans la main quelques instants, seule et silencieusement, elle sortit.

Son escadron l'attendait, prêt. En les voyant, Kyôka se sentit… Apaisée ? Rassurée ? Pas vraiment ; ces termes n'avaient pas leur place dans ce monde fait de sang et de mort.
Ils n'étaient pas très nombreux. Toutefois, ils faisaient partie des meilleurs assassins des Lézards noirs, ainsi que des rares personnes à qui la jeune fille accordait sa confiance.

« Allons-y. »

La troupe la suivit, sans un mot. Jusqu'à ce qu'elle se stoppe net.
En parlant de personne de confiance… Il s'en trouvait une juste devant la jeune fille.
Pour la plupart des mafieux, Yukiru Sugisaki n'en était certainement pas une. Et Kyôka devait reconnaître que, si celui-ci n'était jamais monté en grade, ce n'était pas seulement à cause de son manque d'ambition. Enfin… Elle était mal placée pour dire cela : elle non plus n'occupait pas non plus un poste très important, et bien qu'elle n'avait rien contre une promotion, ça ne la dérangeait pas plus que ça ; il n'était pas nécessaire d'être cadre pour être connu, craint et surtout respecté à la Mafia.
Mais bref ; l'homme qui se tenait devant lui, en plus de n'être qu'un simple sbire, n'était connu que pour sa maladresse et sa propension légendaire aux gaffes qui stupéfiait même la mafieuse.
Et pourtant… Malgré tout cela, Yukiru Sugisaki restait quelqu'un de particulier pour elle… Quelqu'un sur qui elle pouvait compter en cas de coup dur, et réciproquement. Elle l'avait réalisé il y a quatre ans de cela, lors de cet événement. Ce drame.

Quelle ironie… Au final, c'était la trahison, la disparition de celle qui était censée être le seul point commun, la seule chose qui reliait les deux mafieux qui les avait rapprochés l'un de l'autre jusqu'à véritablement constituer ce qu'on pouvait appeler une « famille »… Comme l'avait autrefois souhaité Kôyô Ozaki. Mais elle n'était plus là pour le voir.

« Combien de fois faudra-t-il que je te le répète ? Elle est partie. Elle nous a trahis. »

Quand comprendrait-il qu'il fallait tourner la page ? Elle-même n'avait toujours pas pardonné l'ex-cadre de l'avoir abandonné, elle. Dès son arrivée, la jeune fille avait détesté le milieu sordide de l'organisation. Ce qu'avait concrétisé son ancienne protectrice, combien de fois en avait-elle rêvé ? Et pourtant, elle était partie sans elle. Kyôka avait été en colère. Puis tentée de la rejoindre de rejoindre la rousse dans son exil, à maintes reprises. Mais elle ne l'avait jamais fait. Par manque de courage ? Ou simplement parce qu'elle ne désirait pas faire subir à l'homme qui se trouvait en face d'elle, encore un autre abandon, comme l'avait fait la jeune femme avec elle ?
Qu'elle revienne aujourd'hui, après quatre longues années de trahison, serait…

« ... Vraiment possible ? Ce que tu dis… Tu penses vraiment que c'est possible ? »