i'm not drunk... yet (chûya)

Well,

you could yell "piss off ! won't you stay away ?" it'll still be sweet talk to my ears

Sourcils froncés. Lèvres plissées en une moue boudeuse. Mains glissées dans tes poches. Tu marches d’un pas nonchalant, flâneur. Tu t’ennuies. La mission dont tu viens de rentrer s’est finie trop vite. C’est à peine si tu as eu le temps de t’amuser. Tout ce que tu y as récolté, c’est quelques estafilades – une sur la joue une sur l’épaule trois sur la cuisse – fins traits rouges qui disparaîtront bien vite, et bien sûr les déchirures dans tes vêtements pour aller avec. Ça t’embête un peu parce qu’aujourd’hui tu portais la veste bleue, celle avec des boutons dorés. Tu l’aimes bien parce que tu trouves qu’elle te donne l’air distingué, presque aristo. Mais elle est fichue maintenant. Il faudra en racheter une autre.

Tu soupires. Tu aimerais bien tomber sur quelqu’un, mais visiblement, il n’y a pas un chat au QG. Pourtant, tu n’as pas envie de rentrer maintenant ; il fait nuit depuis si peu de temps encore. Il n’y a que les enfants qui se couchent à cette heure-ci et toi, tu n’es plus un gamin (tu dis, même si tu en as souvent l’attitude). Zut, zut, zut, c’est vraiment pas ta soirée, tu penses. Jusqu’à ce que tu entendes du bruit – ah ! Y aurait-il une autre âme hantant les lieux ce soir ? Ou bien est-ce l’ennui qui te fait imaginer des choses ? Non, on ne dirait pas : il y a de la lumière dans l’entrebâillement d’une porte. Ça fait deux ans que tu es là, mais tu ne connais pas encore toutes les pièces et tu n’as jamais mis les pieds dans celle-là. La personne qui s’y trouve doit probablement chercher un peu de tranquillité. Peut-être devrais-tu passer ton chemin, mais tu es trop curieux pour ça et à vrai dire, l’idée de toquer avant d’entrer ne te traverse même pas l’esprit.

Tu ne regrettes pas.
Le mobilier se résume à des chaises et une longue table où traînent plusieurs bouteilles et verres. La plupart sont vides et ceux qui y ont bu sont vraisemblablement déjà partis, mais il reste encore une silhouette solitaire. Tes yeux s’éclairent d’une lueur réjouie lorsque tu reconnais un visage familier. "Nakahara-san," salues-tu d'un air enjoué qui n’est même pas feint en t’avançant dans sa direction – juste quelques pas, tu restes à une distance respectueuse.

Respect. Un mot qui n’avait pas plus de sens pour toi que la compassion ou la culpabilité, inconnu au bataillon, un sentiment absent de ton registre d’émotion. Respecte les adultes, respecte ton père, respecte tes professeurs, tu l’as entendu si souvent, mais tu n’as jamais compris pourquoi, de quel droit on exigeait cela de toi (alors que tu étais mille fois meilleur qu’eux tous) ? Ils n’auront jamais eu ce qu’ils voulaient, mais cet-homme là, assis à la table, avec ses mèches rousses inégales qui disparaissent sous un chapeau bien reconnaissable, celui-là a gagné ton respect. C’est peut-être cette aura dangereuse qui l’entoure, ou alors c’est plus superficiel, c’est tout simplement ce qu’on appelle beauté (pourtant des gens beaux, tu en connais d’autres). Enfin, il doit bien y avoir quelque chose pour que tu sois si fasciné par Chûya Nakahara.

"J'peux m'asseoir là ?" Tu désignes la chaise à côté de lui, plein d'espoir. Tu as changé d'avis. C'est une très belle soirée.

aaah pardon c un peu nul :( l'alcool arrangera tout /paf

Well,

you could yell "piss off ! won't you stay away ?" it'll still be sweet talk to my ears

Il aquiesce à ta question et c’est tout ce que tu attendais pour franchir d’un bond les mètres qui vous séparent et t’installer sur la chaise d’à côté, les jambes croisées, un bras reposant sur la table et l’autre sur le dossier (t’as jamais su t’asseoir correctement, Kazuo). C’est la première fois que tu as une telle occasion. Pouvoir lui parler en tête à tête, avec peu de risques d’intervention extérieure qui couperait court à la conversation. D’habitude tu ne fais que l’admirer de loin. Là, il est si proche qu’il te suffirait de te pencher en avant et de tendre la main pour le toucher. Comment il réagirait, si tu faisais ça ? Est-ce qu’il se mettrait en colère ? Il est plus fort que toi, tu le sais, c’est justement ça qui t’attire. Quand tu penses à la facilité avec laquelle il pourrait t’envoyer voler contre le mur là-bas–

Ah. Il te demande ce que tu veux boire. Tu n’avais pas pensé à ça, et ton regard passe sur les (nombreuses) bouteilles. Rien que de l’alcool. Il va te prendre pour un gamin si tu lui dis que tu n’as pas tellement l’habitude de boire, c’est sûr. Tu fronces légèrement les sourcils, hésites, et puis finit par hausser les épaules. "La même chose que toi !" tu lances joyeusement, tout sourire à nouveau. Tu ne sais même pas ce qu’il boit. Si ça se trouve, c’est super fort, et tu vas te retrouver KO en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, mais ça tu n’y as pas songé, n’est-ce pas ? Pire encore : un éclat facétieux vient de s’allumer dans tes yeux, ce qui n’est jamais bon signe.

"Je viens d’avoir une idée. Et si on faisait un jeu ?" Tu prononces ces mots d’un ton parfaitement innocent, mais ton air espiègle n’inspire absolument pas confiance. Pourtant, tu n’as pas de mauvaises intentions : tu veux juste te distraire. Comme toujours. "C’est plus amusant que de juste boire, non ?" Franchement, tu ne sais pas trop ce que tu feras s’il refuse. Tu seras déçu, probablement ; comme un enfant quand on refuse de lui passer le ballon. Sauf que tu as dix-huit ans, et que tu demandes à un mafieux de faire un jeu d’alcool avec toi. Mais ça revient pratiquement au même – pas vrai ?

tu as donc le pouvoir de rendre kazuo triste profites-en