Opaline lumière
La lune luminescente descend ses rayons sur terre.
La ville s’est endormie il y a trois heures ; lorsque le ciel a perdu ses couleurs et enfilé son manteau de suie. Peu à peu les bruits et l’agitation ont fondus leurs agressions dans un silence relatif. Le chant des cigales continue d’encenser nos oreilles de murmures naturels. Lorsque vous remontez les rues escarpées jusqu’au sanctuaire, elles acclament votre ascension. Lorsque vous la descendez, elle saluent votre trajet.
Asai connaît par cœur les rumeurs de ce chemin, emprunté milles fois, de son enfance à son adulescence branlante.
Elle revient ici plus souvent qu’elle ne le devrait (c’est ce qu’elle pense). Incapable de se détacher totalement des lieux qui l’ont toujours entourée. Asai ne veille pas sur la divinité et sa propriété : c’est elle qui lui apporte réconfort et chaleur.
Lorsque Asai sent qu’elle est sur le point de craquer ; ou que son esprit confus se délite en vilaines pensées ; ses jambes menues s’en vont sans qu’elle ai besoin de leur demander. Elle se retrouve tout bêtement là ; à contempler la nuit ; et les vacarmes assoupis.
Elle salut de ses courbettes soigneuses le toori, puis la maison du Dieu. Souffle entre ses lèvres un filet d’épuisement. Il n’y a personne. Normal. Il n’y a aucune raison que qui que ce soit circule à deux heures du mat.
La journée a été longue ; et assourdissante. Elle se repet du silence comme d’un met rare. Exquis. S’assoit sur une des chaises en plastique qui bordent l’allée ; près de l’échoppe où sa famille a l’habitude de servir du thé et de quoi se sustenter (ou sustenter l’hôte sacré).
Parfois Asai regrette de ne pas fumer. Juste pour ces moments où l’image lui paraît tout appropriée. Elle se perds peu à peu ; commence à son tour à prendre le rôle du décor.
Et sa tête dodeline parce qu’elle se fait lourde.
Quand un bruit sec, celui de pas ? L’extrait brusquement de sa torpeur.
Alors sa voix froide et régulière entonne :
Et son visage scié de traits fins change d’angle lorsque le vent agite les arbres ; modulant les ombres au gré de leur feuillage.