Pas si perdus que ça - Pv. Kfk

Cela faisait maintenant quelques temps que Jacob et son frère s’étaient installés au Japon. Il ne savait pas pour combien de temps ils allaient rester là, mais il ne s’en plaignait pas pour le moment, sauf pour la barrière de la langue et aussi de l’écriture qui se faisaient souvent gênantes quand on lui demandait quelque chose, bien qu’on lui demandait pas grand-chose au vu de la tête qu’il faisait les trois quarts du temps. Ce qui était sûr, c’était que sans Wilhelm il ne serait parti nulle part, il serait resté à s’enfermer pendant des heures dans la maison sans bouger tout en demandant à Wil’ de faire le pigeon voyageur entre lui et l’extérieur. Ca n’était peut-être pas agréable pour lui, mais il avait été hors de question qu’il sorte de ces quatre murs à l’époque qui n’était pas si lointaine.

Et comme on dit, on garde souvent les mauvaises habitudes. Ayant été pris d’un soudain mal de pays et de ventre au vu de la faim, il était resté à la maison pendant que Wil’ était sûrement parti travailler. Il n’était pas tard là, aux environs de quinze heures peut-être, et Jacob regardait la télé, même si il ne comprenait pas trop ce qu’ils étaient en train de dire, bien que ça ne soit pas trop utile vu que c’était la météo. Ah oui Noël approchait, il avait aucune idée de ce qu’il pourrait foutre ce jour-là. Rester ici était un bon plan oui, et manger aussi. Assis et recroquevillé sur lui-même dans un plaid, il soupira et se leva, déjà habillé et vérifia le frigo qui… Ne contenait pas ce dont il avait envie. Il allait devoir sortir, et rien que cette pensée commençait à l’angoisser, il devait prendre sur lui, alors il s’habilla chaudement, mis ses chaussures et resta un moment devant la porte sans bouger pendant au moins deux minutes.

Finalement il ouvrit la porte, qui laissait entrer une odeur d’air frais dans cet appartement. Il mit un pied dehors, puis l’autre, et referma la porte derrière lui. Il n’aurait sûrement pas le courage d’aller dans le magasin habituel, alors il allait se contenter de se diriger vers le kombini le plus proche ou quelque chose comme ça. Chaque pas qu’il faisait et qui l’éloignait de l’appartement quand il était seul faisait toujours son battre son cœur un peu plus vite, et le fait de croiser des personnes ou groupes de personnes faisait resserrer son estomac. Les sourcils froncés et la gorge serrée il accéléra le pas, les mains dans les poches de son manteau et la tête plus ou moins baissée, pour faire attention où il marchait et aussi si des gens ne-… Non, ne pas y penser. Il entra dans le premier petit magasin le plus proche, essoufflé, il ne put pas saluer oralement, alors il se pencha comme les japonais pour dire bonjour, un peu trop penché mais bon.

C’est en arrivant dans un rayon snack où il ne savait trop quoi qu’il commençât à observer tout ce qu’il y avait, et retourner le paquet en espérant que ce soit au moins écrit en anglais, sans succès. Ce qui commença à le faire râler.. En allemand. Sa voix était assez douce et paraissait calme, mais le stress l’avait mis un peu trop sur les nerfs. Il était discret, mais dans un élan de courage, il alla voir la seule personne qui travaillait ici, en espérant qu’il comprenne mieux que lui ce qu’il y avait dans ce paquet de chips et.. Plein de bazar qu’il ramena. Il commença à parler avec le peu de Japonais qu’il connaissait, mais c’était bien mélangé avec de l’allemand, sans oublier son accent.

- Excusez-moi, est-ce que vous savoir Chips ? Goûts ? Goûts chips ?…. Enfin.. Hm.

Ouais, il était définitivement gêné, ce « enfin » était prononcé dans sa langue natale quand même.

Pourquoi est-ce qu’il fallait toujours faire les courses en fait, c’était long, chiant, il y avait des gens qui prenaient un peu trop leur temps, coupaient la route ou prenaient devant vous le dernier article dont le besoin était presque vital. Il n’y avait aucun intérêt à participer à des choses de la vie quotidienne comme ça, quand on voit la gentillesse de certaines personnes, ironie bien sûr, par exemple, les caissières qui font tout le temps la tronche et esquissent même pas un bonjour d’entre leurs lèvres. Pitoyable, si elle ne voulait pas travailler ici fallait rester chez soi hein, les clients n’y sont pour rien. Mais il fallait croire que Jacob ne connaissait pas non plus les applications pour commander à manger. Enfin si, mais tout était écrit en japonais, et puis si après il fallait interagir et se planter dans ce qu’il voulait commander, ça ne servirait à rien, puis on est toujours mieux servi que par soi-même.

Il devrait envoyer un message à Wilhelm pour lui dire qu’il était sorti, au cas où, on ne sait jamais, mais peut-être qu’il allait se ramener, donc mauvaise idée, Jacob n’avait pas envie de le déranger dans son travail. Par contre déranger le gérant ça il n’y avait pas de problèmes, il s’en fichait, car il ne le connaissait pas, et que- pourquoi il s’était tourné d’un coup comme ça vers lui. L’allemand avait légèrement reculé, gardant une tête neutre bien qu’il avait été surpris. Ah ouais mais non il savait très bien ce qu’il avait entre les mains- Pourquoi il avait tout compris ? Mais.. Il venait de parler en allemand le gérant non ? M i r a c l e. Le choix de langue allait être rapide.

- Non ce n’est pas ce que je voulais dire. Je vous demandais si vous saviez ce qu’était comme goût ces chips, ce n’est écrit qu’en japonais dessus.

Il avait posé le paquet sur le comptoir, tout comme plein d’articles, cinq ou six mais ça restait beaucoup, puis attendait comme ça, lui expliquant un peu ce qu’il voulait que le roux fasse pour lui, ce n’étaient que des petites tâches routinières après tout, et il savait certainement mieux lire le japonais que lui. Les paquets étaient tous bizarres de toute façon, comme il pouvait deviner ce que c’est en fait.

- Et si cela ne vous dérange pas j’aimerais savoir ce que c’est que ça aussi, je suppose que vous savez ce que c’est. C’est bien mieux de savoir ce que l’on achète et mange quand même.

Jacob avait une intonation plutôt douce dans sa voix, mais cela donnait l’impression qu’il restait ferme dans ce qu’il demandait. Il observait plus ou moins la personne qui se trouvait devant lui, se demandant ce qui l’avait amené dans ce pays, mais surtout dans cette ville.