[Insérez titre original ici] [PV Tsuraya]

Écroulé. Effondré. Abattu. Autant de termes pour décrire mon état du moment, c'est à dire en cette fin d'après-midi, où j'ai prostré mon corps sur un banc. Sans me soucier d'un éventuel problème de dos, ma position physique correspondait parfaitement à ce que j'éprouvais actuellement. En même temps je me voyais mal aller autrement vu ce qui vient de me tomber dessus. D'accord, j'ai ma part de responsabilité, mais ça n'excuse pas tout ! Je veux dire, dans un cas qui demande la participation de deux personnes, je ne partage qu'une moitié de la responsabilité. À la fois cause et conséquence, en plus de me sentir abattu, je me sentais aussi coupable. Abattu par une réaction, et coupable de ce qui a provoqué cette réaction, c'est mentalement que je rejouais encore cette scène qui avait eu lieu il y a quelques minutes, juste avant que je ne me pose sur ce banc. Avachir serait un verbe plus convenable en soi, alors que je soupirai à nouveau -on dirait presque mon petit frère- mais j'étais là, à me morfondre seul dans mon coin, un peu désemparé malgré moi, autant l'avouer. Je n'avais pas à chercher trop loin dans ma mémoire, mais c'était à croire que j'étais masochiste à force de remuer le couteau dans la plaie tout seul.

La plaie, c'est mon état, le couteau, la situation qui en est à l'origine, c'est à dire une dispute avec ma sœur. Ça n'arrive pas souvent, et généralement pour des futilités comme essayer de lui faire changer sa façon de parler pour quelque chose de plus féminin. Sauf que là...j'ai dérapé, certes, mais je n'ai pas pu me contenir quand je l'ai vue aux cotés d'un autre garçon. En fait, j'avais fini ma journée plus tôt que prévu, donc j'ai pensé que ce serait super si j'en profitais pour aller chercher Mitsu-chan qui pour le coup, finissait après moi. Pas que je sois devenu parano depuis l'attaque de la mafia dans le métro auquel ma sœur a réchappé, mais presque. Enfin bref, j'avais pris mon deux roues à moteur, vite enfourché direction son lycée. J'attendais donc patiemment la sortie de ma frangine adorée, ou plutôt impatiemment, et quand je la vois, quelle n'est pas ma surprise de voir un blondinet à ses cotés le sourire aux lèvres. Le choc passé, j'ai fait de grands signes pour qu'elle me remarque et elle a pris congé du garçon pour me voir. Mission accomplie donc que de récupérer l'attention de ma petite sœur, quelle joie pour le grand frère que je suis...puis le siscon est intervenu.

La jalousie, oui, je le sentais bien, au moment même où je lui ai demandé qui était ce garçon. J'ai pas forcément cru à un simple camarade de classe, de ce qu'elle me présentait alors que je lui disais qu'elle était de belle humeur avec lui. Et lorsque j'ai entendu le diminutif qu'elle lui a donné, j'ai bien cru que j'allais massacrer le garçon en question. Elle a effectivement constaté que j'étais en colère -mais pas ma jalousie hélas- et j'ai tenté de faire l'idiot...mais ça a explosé vu qu'elle a entre autres continué de me provoquer, alors oui j'ai hurlé en la prenant par les épaules un peu fort.

« Il n'a rien fait de mal ? Et fréquenter ma petite sœur en la collant comme un chewing-gum c'est ''rien de mal'' ?! T'es vraiment la seule à rien comprendre ! Et pourtant tu restes avec lui ! Mais t'as pas vu qu'il avait des intentions pas nettes espèce d'idiote ?
-Là c'est toi qui est collant. En plus, tu dis des inepties incompréhensibles. Rentre sans moi s'il te plaît. »

Elle s'est alors détachée de moi et est repartie avec le garçon, d'humeur plus morne cette fois, et je ne me suis pas bougé pour la rattraper, surtout en entendant les mots du ''rival'' demandant si j'étais son petit ami, ce qu'elle avait évidemment réfuté en indiquant notre véritable lien. Frère et sœur, j'étais son grand frère, elle était ma petite sœur. Pourtant, encore une fois, j'avais agi comme si je sortais avec elle, c'était plus fort que moi, ça avait été insupportable de la voir ainsi. Autant en tant que grand frère qui ne veut pas que sa cadette s'éloigne de lui trop vite en grandissant, qu'en tant que siscon qui ne veut laisser à personne l'être aimé et désiré.

En me plongeant dans cette culpabilité de m'être compromis au niveau sentimental, je m'étais posé là, à me demander comment tourner ça pour que personne ne sache ce que je cherche à cacher depuis un moment. J'étais même tellement déboussolé que je suis reparti à pied. Je rentrerai en moto plus tard, quand j'aurai trouvé une manière de prouver à ma sœur et notre famille que ce n'était que de l'inquiétude, sachant d'avance qu'ils n'accepteraient jamais mon attirance. J'imagine aussi que beaucoup des gens ici vont penser que je suis son petit ami, et elle va s'énerver à rectifier le tir sans aucune certitude d'être crue. Enfin, ça m'étonnerait qu'elle se soucie de ça, à part si elle entend ça en guise de bruits, ce n'est pas son genre. Sauf que je continuais de me demander si elle faisait semblant de n'avoir rien remarqué, ou si elle était vraiment innocente à ce point. À moins que je le cache super bien, mais vu toutes les fois où on m'a reproché de ne pas agir ''comme je le devrais'' je n'y comptais pas tant que ça. Et bien évidemment, les contrecoups, c'est ma sœur qui les prend à force d'interrogatoires pour en savoir plus, alors le soupir partit tout seul.

« Mitsu-chan...Je ne lui pose que des problèmes en fin de compte... »

C'est fou ça, le grand frère est censé éviter les problèmes à ses cadets, et quand il s'agit de ma cadette, je n'arrête de lui attirer des sales rumeurs sur notre compte. Le genre de bruits selon lequel on aurait des relations plus que fraternelles, de ce que je suppose, parce que j'ai du mal à voir les jeunes gens comme des gens appréciables pouvant vivre de manière civique. Je parle un peu comme un vieux oui, mais mes années lycée m'ont témoigné de jeunes gens qui se faisaient souvent persécuter à cause d'infondés, et même mon petit frère pourrait en parler, donc je ne veux pas que ça arrive à ma Mitsu-chan. Ou plutôt je ne veux pas que d'autres s'y mettent sinon elle va les recadrer et leur passer -sévèrement- l'envie de s'en prendre à elle, et pour le coup, je crois que je soutiendrais plutôt les fautifs devenus victimes. Et à part ça je n'imagine pas du tout ma petite sœur comme un monstre, c'est juste qu'elle est assez rarement en colère donc je m'inquiète pour ceux qui en feront les frais s'ils la provoquent. Ils l'auront bien cherché mais...ils le sentiraient passer si amèrement que j'aurai mal pour eux, donc je conseille à toutes les mauvaises langues de ne pas chercher des noises à ma sœur si elles ne veulent pas souffrir.

Pour calmer cette crainte, je mis une main dans ma poche pour y trouver un bonbon au citron. Chance à moi que j'en ai toujours quelques uns sur moi, et que mon frère ne pense pas à les piquer parce que c'est acide. Très sucré, mais très acide aussi, c'est sûrement pour ça que je les ai conservés. De l'autre coté, je n'en consommais pas des quantités astronomiques non plus, mais ça dépannait pas mal la plupart du temps. Et voici l'un des cas dans lesquels ça dépannait, raison pour laquelle il n'a pas fait long feu, entre son emballage et bientôt mon estomac. Je ne vais pas le gober de suite, je vais plutôt en profiter même si je sais que je vais le regretter vu que c'est, comme dit précédemment, du citron. Ça me permettait de me concentrer sur autre chose que sur le fait que je ne causais définitivement que des problèmes à ma frangine adorée. À la place, je devrais plutôt penser à trouver une justification plausible à mon comportement de tantôt, de manière à ce que personne à la maison ne se doute de rien. Tout ça pour dire en somme que...ce bonbon est vachement acide qua...

Bordel je m'étouffe ! Toussant du mieux possible un bon moment, je jetai un œil envers la cause de tout ça. Une jeune femme qui d'une voix forte et claire m'avait salué...et j'avais pas remarqué qu'elle était là. Du coup j'ai sursauté, et mon bonbon, il est passé presque tout rond dans le mauvais trou, raison pour laquelle je suis en train de m'étouffer en voyant ma vie défiler devant mes yeux. Yeux embués de larmes je tiens à préciser, surtout à la pensée selon laquelle je risque fortement de mourir ainsi, et je tiens à préciser que c'est une mort on ne peut plus débile. Bien évidemment, j'aimerai mourir d'une manière plus valeureuse, moins douloureuse, mais pas à cause d'un bonbon au citron qui n'est pas passé bon sang ! Je ne peux pas donner raison à mon frère concernant mon apparente débilité, et cette méthode de décès serait la pire...faut que je m'en sorte, d'une manière ou d'une autre, et là, miracle. Le bonbon s'est décoincé, et d'une main devant la bouche, j'ai réussi à le réceptionner avant qu'il ne tombe sans grâce sur le sol. Il est donc revenu là où il aurait dû être, ce qui est plutôt génial, et je pus enfin regarder la demoiselle m'ayant accosté, heureusement, on ne dirait pas qu'elle est intéressée, parce que je ne tiens pas à me rappeler que j'ai un problème de taille concernant mes attirances. Qui plus est, je crois que je l'ai déjà vue elle, alors je répondis joyeusement, d'une voix un peu à l'agonie mais pas trop.

« Bonjour mademoiselle ! »

Et ça y est, ma mémoire se rappelle de quand je l'ai vue...et je crois que j'aurai préféré oublier. Non franchement, il y a des choses qui font mal à la fierté quand on s'en souvient. Je me souviens oui, du coup de l'interrogatoire que j'avais dû lui faire subir, en utilisant mes méthodes à moi que les instructeurs ont jugé ''trop douces''. En attendant ça a marché, et puis bon, c'est pas mon genre de m'en prendre à plus faible que moi n'ayant rien fait. Je sais, c'est débile, mais j'ai pas réussi à me mettre dans le crâne que c'était une suspecte dangereuse. Après avoir lâché un rire relativement creux pour masquer la honte que je venais d'essuyer, je me suis redressé, pas que pour éviter les problèmes de dos mais aussi pour avoir l'air un peu plus digne maintenant que je n'étais plus vraiment seul. Et je me décalai même pour qu'elle puisse se poser, elle et son sac qui montrait qu'elle avait fait les courses il y a peu. Je pouvais au moins faire ça. Et j'attendis qu'elle se soit installée, et que mon bonbon ait expiré sa durée de vie pour faire un peu de conversation. Ce serait quand même la honte si elle faisait cas de mon état précédent après tout.

« Eh non je ne suis toujours pas devenu agent...pour le moment euh... »

Bon bah oublier son nom, c'est chose faite...