Une mission || Fumiko & Chûya

Mélancoliques Orbes Grenats absorbés par une pensée lointaine ; des mèches Coquelicots virevoltaient au rythme d’une silencieuse mélodie. Des coudes posés là, sur le rebord d’une fenêtre semi-close, dans l’attente de l’Inconnu. Une gestuelle se modifiant alors : des jambes remontant lentement, s’allongeant presque le long de l’encadrement. L’une d’elle, tout du moins. Car l’autre remontait d’ores et déjà contre un torse adossé contre la sombre façade, bras contre soi. Le sommet d’un crâne contre la translucide glace,   elle guettait les perles bruinant à quelques mètres de là. L’extérieur ; la Japonaise rêvait d’évasion, aujourd’hui encore. Comme à chacune de ses incessantes crises, d’ailleurs. Envie d’ailleurs.

Une lassitude tel que les Mirettes ne perçurent tout d’abord pas l’entrée s’ouvrir, pas plus que la silhouette apparaissant dans la fente. Quelques instants, un battement. Puis un regard se détournant enfin, se plongeant dans les sphères de gai, alors même que cette voix parvenait jusqu’à l’appareil auditif. Incompréhension voilée ; les souvenirs d’une albâtre feuille froissée dans le creux d’une main.

Ah. Oui. La « Mission ». Lui. Lui. Naka-quelque chose. Pour être totalement exact, l’existence de cet homme ne lui était pas complètement méconnu ; force était d’avouer que certaines informations avaient fuité dans l’enceinte de la mafia. Ou plutôt faisait-il parler de lui.

—  Alex.

Claquement de langue ; le son d’une voix neutre, mais pourtant empreinte d’une forte intolérance. Strict, assurément. Car elle ne ferait pas la moindre concession à ce sujet, cette rouquine.

L’erreur est humaine. Ta gueule.

Fumiko, c’était la gamine qui tombait dans les bras des Hommes, celle qui cherchait désespérément la proximité et la folie. Plus encore, la mioche qu’elle avait planté dans l’entrée, il y a quelques mois de cela. Non, vraiment. Ici, c’était Alex.

— Naka... Naki... Na- quelque chose, j'imagine ? Un soupir, inaudible. Mais oui, Parait’. Même si t’es certainement plus au courant que moi.

Perles carmines roulant brièvement vers la boule de papier, toujours logée dans la fine main d’adolescente.

— Si t’as plus d’info à ce sujet, hein …

Une pause, un instant. Juste le temps de jauger l’autre, s’approchant après quelques secondes d’attente. Un arrêt alors amorcé, tandis qu’elle arrivait à sa hauteur. Tiens. La même taille. Marrant.

—  Vu les rumeurs, j’m’attendais à plus imposant ceci-dit. Mais bon, t’as peut-être pas terminé ta croissance, hm.

Une main aplatie, passant d’elle à lui. Un air presque désinvolte ; un étirement des lippes malicieux – contradiction avec le neutre de son regard vineux. Finalement, elle s’arrêta non loin du tissu ornant les fils similaires aux siens.

—  Mais ton chapeau est plutôt cool ; j’l’aime bien. Si t’as le nom du fournisseur, je prends.

Taquine fillette ; elle s'en est brûlée les ailes.

– Nakahara.

Force était de constater que l’Asiatique ne semblait pas si éloignée de la réalité, dans les faits. Mais qu’importe. A vrai dire, cette mascarade des Noms danseurs ne revêtaient pas la moindre importance ; une sonorité apprise pour l’heure, mais qui sombrerait bien assez vite dans l’inconscient. Peut-être le retiendrait-elle, s’ils venaient à se rencontrer de nouveau. Cependant, cela resterait dans l’ordre des choses, pour l’heure : Nakahara , le temps de la mission. Na- quelque chose, jusqu’à la probable prochaine fois.

Une faciès perçu ; un étirement des lippes, naviguant entre amertume et malice. L’humour manquait vraisemblablement à son quotidien. Ou peut-être avait-elle posé le doigt sur l’un de ces tabous insoupçonnés.

– T’es mal baisé ou … ? Bref, Relax. Je disais juste que tu n’ressemblais pas à ce qu’on me laissait sous-entendre, c’est tout. Pas besoin d’aller prendre cet air hargneux. Spoil : ça ne te va pas pour un sou !

Aussitôt, une main s’éleva non sans un certain automatisme, désignant le tissu ornant la tête de l’interlocuteur.

– Même pas. J’aime vraiment bien ton chapeau. Et j’aimerais vraiment bien que tu me files le nom du fournisseur un de ces quatre. Lueur s’installant dans l’œil ; l’instant d’une taquinerie dépourvue de malveillance. Pourquoi ? Un abruti t’aurait dit qu’il était moche et vieillot ?

A tous les coups s’agissait-il de l’un de ces gars en manque d’attention. Ou peut-être les goûts de Fumiko s’avéraient-ils démodés. Qui saurait l’affirmer ?

– Comme d’habitude, quoi. Bien allons-y, qu’on en finisse.

Sans attendre plus longtemps, la Japonaise ferma la marche, ainsi que la porte. Une enjambée guère longue, comme l’avait indiqué le rouquin. Une histoire de quais à longer, ni plus ni moins. En cela, l’escapade l’ennuyait presque. Tant est si bien que les Perles Carmines  inspectaient tout ce qui pouvait bien leur tomber sous les paupières, à commencer par le paysage dépourvu d’âmes, mais dont les coques virevoltait plus loin, au rythme de la douce mélodie des vagues.

–  Et donc ?

Des vocalises arrêtées, un instant durant. Pas énormément, mais suffisamment pour marquer une pause, laissant l’occasion de glisser une énième remarque. Parce qu’il semblait férue de cela, le gamin. Gamin. Gamin. A bien y regarder, ils n’avaient pas l’air bien différents. De ce côté là, tout du moins.

– Et donc, qu’est ce qu’un Gosse fait dans la Mafia ?

Pas grand-chose. Juste de quoi tenir une possible discussion, le temps d’arriver jusqu’aux conteneurs et bâtiments disposés à l’autre bout du port. Juste quelques mots empreints d’une interrogation minime, pour tromper l’ennui. Enfin, peut-être.